Du SRRI au SRI – Méthode de calcul

Eléments de contexte

Au 1er janvier 2023, conformément à la règlementation européenne PRIIPs[1] (Packaged Retail and Insurance-based Investment Products), le document d’informations clés pour l’investisseur (DICI) est remplacé par le Document d’Informations Clés (DIC). Le DIC PRIIPs est un document ayant pour objectif de présenter aux épargnants les caractéristiques des supports de placement financiers de façon « claire et synthétique ».

Le DIC PRIIPs reprend dans les grandes lignes le format du DICI. à cela près que le DIC PRIIPs et le DICI fournissent des indicateurs de risque différents pour un même produit : le SRRI (Indicateur Synthétique de Rendement/Risque) du DICI disparait et est remplacé par le SRI (Indicateur Synthétique de Risque) qui va prendre en compte une nouvelle méthodologie de calcul.

Le nouvel indicateur de risque (SRI) est calculé en combinant le « Risque de Marché » (la baisse de la valeur des investissements) avec le « Risque de crédit » de l’émetteur (la possibilité que l’émetteur ne puisse pas rembourser).

La prise en compte du Risque de Crédit est l’un des apports fondamentaux du SRI. En effet, le risque de dégradation de la situation financière et économique de l’émetteur d’un titre de créance dans lequel un fonds investit n’était pas prise en compte dans le calcul du SRRI, fondée exclusivement sur les variations des valorisations du cours d’un actif financier.

Tous ces éléments[2] doivent permettre à l’investisseur d’avoir une idée plus claire des risques et des coûts liés à son investissement, et d’établir une comparaison avec l’ensemble des produits packagés.

La construction du SRI : un processus plusieurs étapes

La détermination du SRI découle de l’enchainement plusieurs étapes. La première étape consiste à sélectionner la catégorie à laquelle appartient le produit, parmi quatre. Une fois celle-ci déterminée, une méthode de calcul spécifique s’applique pour évaluer le Risque de Marché. La détermination du Risque de Crédit quant à elle dépend des notations de crédit octroyées à l’émetteur. Une fois les valeurs du Risque de Maché et du Risque de Crédit calculées et combinées, on obtient la classe de SRI.

La catégorie du PRIIPs

Un préalable au calcul du SRI consiste à sélectionner la catégorie à laquelle appartient le support d’investissement, parmi quatre (Tableau 1).

Une fois la catégorie déterminée, une méthode de calcul spécifique[3] du Risque de Marché (MRM) est mise en œuvre.

Le calcul du risque de Marché (MRM)

Hormis le cas des PRIIPs de « Catégorie I », chaque catégorie de PRIIPs se voit affecter une méthodologie[4] de calcul différente pour établir une volatilité annualisée (VEV) qui, via une table correspondance (Tableau 2), permet de déterminer la valeur du Risque de Marché, lequel détermine pour partie la classe de SRI du support d’investissement.

Les principes fondamentaux du calcul du Risque de Marché (MRM)

L’objectif de cette section est de d’expliciter les grands principes sur lesquels repose le calcul du Risque de Marché. Il ne s’agit pas de détailler le calcul du risque propre à chaque catégorie mais davantage d’en dégager les lignes de forces communes.

  • La Value-at-Risk (VaR)

Le calcul du Risque de Marché s’appuie sur la notion de Value-at-Risk (VaR). La VaR a été popularisée dans les années 90 par JP Morgan et est ensuite devenue, en moins d’une dizaine d’années, une mesure de référence du risque sur les marchés financiers. Formellement, la VaR représente la perte potentielle maximale (en montant ou en pourcentage) d’un investisseur sur la valeur d’un actif ou d’un portefeuille d’actifs financiers sur un horizon de temps donné avec une probabilité donnée.

Dans son acception la plus simple, la Value-at-Risk dépend de trois éléments : l’espérance et la volatilité des rendements du portefeuille, le niveau de confiance qui permet de contrôler la probabilité d’obtenir un rendement inférieur ou égal à la VaR et enfin la période de détention de l’actif. Lorsque les rendements suivent une loi normale (i.e. une distribution parfaitement symétrique autour d’une valeur unique), le calcul de la VaR est élémentaire.

Toutefois, si l’hypothèse de normalité est acceptable sur longue période, on constate dans bien des cas que sur des historiques courts les rendements ne sont pas distribués suivant une loi normale. De ce fait, l’utilisation de règles paramétriques classiques d’évaluation du risque conduit à une sous-évaluation du risque du portefeuille.

  • La VaR de Cornish-Fisher (VaR-CF)

Pour limiter ce biais, la solution alternative retenue dans la règlementation PRIIPs consiste à prendre en compte dans le calcul de la VaR non seulement le couple « rendement – risque » de la distribution mais aussi son asymétrie (skewness) et son aplatissement (kurtosis). On parle alors de VaR de Cornish-Fisher (VaR-CF).

Pour donner du corps à ce concept abstrait, sans pour autant s’attarder sur son calcul, on peut l’illustrer au travers de l’analyse de la distribution des rendements hebdomadaires du CAC 40. L’exercice est conduit sur une fenêtre d’observation volontairement longue (de 2010 à 2022) afin d’identifier correctement la nature de la distribution des rendements historiques.

Sur le Graphique 1, on a représenté en bleu la distribution observée des rendements du CAC 40 sur une fenêtre de 13 ans. A partir de l’historique, on peut déduire facilement le risque de perte maximum au seuil de 97,5% (seuil fixé par la règlementation PRIIPs). La perte historique au seuil de 97,5%, qui se calcule par simple comptage, est légèrement supérieure à 8%. C’est-à-dire qu’il y a 97,5 % de chance que la perte réalisée sur le portefeuille soit inférieure à ce seuil.

L’ajustement par une loi de probabilité permet de vérifier si la distribution empirique d’un échantillon de données (en l’occurrence nos rendements hebdomadaires) peut être approximée par une distribution théorique.

On constate que l’ajustement de la chronique des rendements observés par une loi normale (c’est-à-dire par une distribution symétrique autour de sa moyenne), conduit à sous-estimer le risque de perte (courbe verte, Graphique 1). En effet, dans ce cas la perte maximale est estimée à 6% contre plus de 8% pour la perte calculée à partir des rendements observés.

La loi normale dont l’estimation repose sur deux paramètres (la moyenne et la volatilité) qui est la loi implicite sur laquelle s’appuie le SRRI du DICI, n’est donc par adaptée pour évaluer les variations du cours des instruments financiers.

En revanche, l’ajustement par une loi prenant en compte l’asymétrie et l’aplatissement de la distribution des rendements, rend fidèlement compte du risque de perte au seuil de confiance de fixé. Le risque estimé est très proche du risque historique (courbe rouge, Graphique 1).

On le constate, avec la VaR de Cornish-Fisher, la mesure de risque n’est plus uniquement fonction de la volatilité : si la distribution est asymétrique avec plus de rendements négatifs que de rendements positifs le risque de perte calculé sera plus élevé qu’avec la formule de la « VaR classique » qui assume que la distribution symétrique des rendements, il en va même si la distribution possède un kurtosis élevé (une distribution « pointue »). On pointe là les limites du SRRI qui ont conduit à sa substitution par le SRI : un indicateur s’appuyant uniquement sur la volatilité des rendements n’est pas un bon estimateur du risque de perte potentielle maximale de la valeur d’un actif financier.

Graphique 1 : Distribution des rendements hebdomadaires du CAC 40 de 2010 à 2022

  • Pourquoi ne pas calculer directement le risque de perte historique ?

Une question légitime se pose à la suite de la lecture du chapitre précédent : quel est l’intérêt d’ajuster une distribution observée par une loi de probabilité alors qu’il suffit de calculer le risque de perte historique (la VaR historique).

En fait, la méthode historique présente un inconvénient majeur. Pour identifier l’amplitude des variations du cours d’un actif financier, il est nécessaire de s’appuyer sur un historique assez profond. Or, plus les variations observées sont lointaines, moins elles ont de chances d’être représentatives de la volatilité présente de l’actif étudié.

Par ailleurs, beaucoup de supports d’investissement sont de création récente, d’autres ont des durées de vie prédéfinies relativement courtes comprises entre 6 et 8 ans (produits structurés[5]). Pour preuve, la règlementation PRIIPs requiert qu’il existe au moins deux ans d’historique de prix quotidiens ou quatre ans d’historique de prix hebdomadaires ou cinq ans d’historique de prix mensuels.

C’est pour faire face à ces contraintes que l’on a recours à des lois de probabilité dont on ajuste les paramètres afin que la distribution obtenue caractérise aux mieux un ensemble d’observations passées. L’ajustement par une loi a pour but de prévoir la fréquence d’occurrence des données même lorsque l’estimation est effectuée sur un échantillon réduit.

Pour clarifier la méthode, reprenons l’exemple des rendements hebdomadaires du CAC 40 en réduisant à 2 ans la fenêtre des observations hebdomadaires (2020-2021). On constate que la distribution historique des rendements est fortement « bruitée » (courbe bleue, Graphique 2). Le calcul du risque de perte à partir des données historiques est par conséquent incertain en raison du manque de complétude des données et il est probable que quelques observations supplémentaires modifieraient substantiellement l’ampleur du risque de perte calculée. En revanche, l’ajustement par une loi théorique (courbe rouge, Graphique 2) agit comme modèle (idéalisation) et permet ainsi de réduire les irrégularités de la distribution empirique, par voie de conséquence le risque de perte estimée est plus stable.

Graphique 2 : Distribution des rendements hebdomadaires du CAC 40 de 2020 à 2021

De la VaR au Risque de Marché (MRM)

En intégrant, en plus du rendement et de la volatilité, une mesure de l’asymétrie et du degré d’aplatissement d’une distribution, la mesure du Risque de Marché (MRM) telle qu’édictée par la règlementation européenne PRIIPs permet une meilleure évaluation du risque.

Cependant, nous l’avons vu dans le Tableau 2, le Risque de Marché n’est pas restitué directement sous la forme d’un risque de perte mais sous la forme d’une volatilité annualisée équivalente à la perte potentielle maximale (VaR-CF). Une formule de transition permet, en effet, de calculer la volatilité du placement, la « VEV », à partir du risque de perte estimé. S’agissant des portefeuilles constitués de plusieurs supports de catégorie 2 (Fonds ouverts et produits indiciels non structurés) on tient compte des corrélations entre supports pour le calcul de la VaR-CF et, par-là, de la VEV qui détermine la classe de Risque de Marché qui correspond au SRI en l’absence de Risque de Crédit.

Dans ce cas précis, si les supports ne sont pas parfaitement corrélés, ce qui correspond à la configuration la plus fréquente (cf. Tableau 3 ci-dessous), le SRI du portefeuille sera inférieur à la moyenne des SRI des supports qui le constituent.

Le Risque de Crédit (MRC)

L’initiateur du PRIIPs définit ex-ante, selon leur disponibilité, un ou plusieurs organismes externes d’évaluation du crédit (OEEC), certifiés ou enregistrés auprès de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) conformément au règlement du Parlement européen, dont les évaluations de crédit serviront systématiquement de référence pour évaluer le Risque de Crédit. Si cette politique se traduit par plusieurs évaluations de crédit, c’est la notation médiane qui est utilisée ou, à défaut, si les évaluations sont en nombre pair, la plus faible des deux valeurs centrales. Au terme du processus, une mesure du Risque de Crédit (MRC) sur une échelle de 1 à 6 est attribuée aux PRIIPs.

Agrégation des Risques de Marché et de Crédit pour la détermination du SRI

Comme nous l’avons vu, sous la réglementation PRIIP, le calcul de l’indicateur synthétique de risque ou SRI se résume en plusieurs étapes, dont les grandes lignes consistent à répondre aux questions suivantes :

  • Dans quelle catégorie est mon PRIIP ?
  • Quelle est la méthode appropriée pour évaluer mon PRIIP ?
  • Quelle est la classe de MRM (Risque de Marché) de mon PRIIP ?
  • Quelle est la classe de MRC (Risque de Crédit) de mon PRIIP ?

L’indicateur synthétique du risque global (SRI) est obtenu en combinant les classes de MRC et de MRM, conformément au Tableau 4 suivant :

Par exemple, pour un fonds multi-asset dont le risque crédit (MRC) est de 3 et le risque marché (MRM) de 4, le SRI sera de 4. Pour les fonds actions, le risque crédit est de 1, le SRI ne dépend donc que du Risque de Marché.

Dans le cas classique d’un portefeuille combinant des supports de catégories différentes (e.g. un fonds euros et supports en unités de compte), on calculera le SRI pour chaque catégorie en tenant compte des corrélations entre les supports d’un même catégorie s’il y a lieu, puis on fera la moyenne pondéré des SRI pour déterminer le SRI global du portefeuille.

En guise de conclusion

Le SRRI est une mesure de la volatilité des prix du fonds au cours des cinq années précédentes. Il est présenté sur une échelle de 1 à 7, basée sur des intervalles ordonnés. Le SRI, pour sa part, est conçu pour montrer le risque relatif d’un PRIIPs, en utilisant une combinaison de risque de marché (basé sur l’équivalent volatilité de la perte potentielle maximale) et de risque de crédit (c’est-à-dire le risque de défaillance de l’émetteur ), le cas échéant. Le SRI est également présenté sur une échelle de 1 à 7, mais comme il est possible de perdre plus que le montant investi sur certains PRIIPs, les intervalles ne correspondent pas à ceux d’un SRRI.

Pendant une période transitoire, en raison de similitudes dans le nom et l’échelle de mesure entre le SRRI et le SRI, la façon dont le risque est présenté peut-être source de confusion.

Par exemple, concernant le risque de marché, le changement de méthodologie a un impact non négligeable sur la classification des supports. Les intervalles de volatilité du nouveau SRI sont plus larges ce qui peut entraîner une modification du niveau de risque affiché par rapport à l’ancienne méthodologie du SRRI. Des fonds qui affichaient un SRRI de 6 sur 7 (par exemple un fonds actions) pourront afficher un SRI de 4 sur 7 dans le DIC. Cela ne signifie pas pour autant que le niveau de risque du fonds a diminué ou que sa stratégie d’investissement ait été modifiée.

Le Tableau 5, qui résume l’ enchevêtrement des correspondances entre anciennes classes de SRRI et nouvelles classes de SRI, souligne la profondeur des impacts associés au passage de l’ancien au nouvel indicateur.







[1] Le champ d’application de PRIIPs : seuls les produits complexes à appréhender par des non professionnels devront se soumettre à cette nouvelle règlementation :

  • fonds de placement collectifs ou OPC (OPCVM, FCP, SICAV…),
  • contrats d’assurance type contrat d’assurance vie ou contrat de capitalisation, aussi bien pour la partie unité de compte que fonds en euros,
  • produits de titrisation (CLN…),
  • produits structurés (BNTM, EMTN…)

[2] En outre, quatre scenarii de performance plus ou moins favorables sont donnés, sur des horizons court, moyen-terme, et à échéance. Les performances données sont calculées, après déductions des coûts.

[3] A l’exception des PRIIPs de catégorie 1 pour lesquels la classe de SRI est de 7.

[4] On pourra consulter les derniers compléments de documentation à l’adresse : http://data.europa.eu/eli/reg_del/2017/653/2023-01-01

[5] S’agissant des produits structurés de catégorie 3, la simulation du risque des PRIIPs repose sur un rééchantillonnage avec remise (bootstrapping) de la distribution attendue des prix ou des niveaux de prix des contrats sous-jacents du PRIIPs, à partir de la distribution observée des rendements de ces contrats.